De la peau, du cartilage, des os… imprimés en 3D, en utilisant des cellules comme matière première. La technique semble tirée par les cheveux, mais mon coiffeur est intéressé !
Il est 16h. J’ai rendez-vous chez Imagina’tif. Comme d’habitude, mon coiffeur a envie de faire la causette.
« Qu’est-ce qu’elle fait en ce moment, madame ? » « Elle travaille sur la bio-impression. » « Ah ? C’est intéressant… Qu’est-ce que c’est ? » Ma couleur doit poser : j’ai une heure devant moi. « L’impression 3D, vous connaissez ? On crée un objet sur ordinateur et on l’imprime. » « Ah oui, mon neveu m’a fait un porte-savon en forme de dinosaure comme ça ! » « Eh bien, au lieu d’imprimer du plastique, on peut imprimer du vivant. Il y a plusieurs techniques, mais celle utilisée pour imprimer de grandes pièces s’appelle l’extrusion : des filaments sortent de grosses seringues, comme de la mayonnaise, et sont déposés couche par couche, pour obtenir une forme. Sauf qu’il s’agit de matériel biologique, comme le collagène. » « Le même qui a servi à combler les rides de ma belle-mère ? » « Oui. En plus, ces filaments peuvent contenir des cellules vivantes, prises dans un gel. En agençant tout ça, en mettant telle ou telle cellule, à telle ou telle concentration, on peut obtenir un tissu humain. Mais il y a des conditions à respecter. La précision de l’appareil doit être suffisante. Et puis les cellules doivent survivre au processus, ça n’est déjà pas gagné ! Elles doivent garder leurs propriétés, pouvoir se diviser, etc. »

“Si vous me loupez et me coupez une oreille avec vos ciseaux, on pourra m’en imprimer une !”
« Mais à quoi ça sert ? » « Tout ça permet d’obtenir, par exemple, de la peau : la couche supérieure, l’épiderme, en utilisant les cellules qui la constituent, les kératinocytes, et depuis peu, la couche inférieure, le derme, en utilisant des fibroblastes. On peut aussi partir de cellules souches, des cellules immatures qui, si on leur envoie les bons signaux, peuvent fabriquer de l’os ou du cartilage… On peut même combiner les recettes. Par exemple, en imprimant un os, puis des zones de cartilage sur l’os. Ou alors imprimer du cartilage avec la peau par-dessus… » « Et pour quoi faire ? » « Si vous me loupez et me coupez une oreille avec vos ciseaux par exemple, on pourra m’en imprimer une, sans avoir besoin de donneur. » Regard offusqué de l’artiste capillaire. « On peut aussi utiliser ces modèles pour la recherche et ainsi éviter certains tests sur des animaux. » « Et faire des cœurs ? Des cerveaux ? » « On n’en est pas là. Mais une entreprise compte imprimer des follicules pileux. Bientôt de nouveaux clients pour vous ! »
Camille Van Belle
Merci à Christophe Marquette (responsable plateforme 3DFab, CNRS, Université Lyon 1)
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