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Sismologues et Télécoms : un couple très câblé

Les sismologues sont ultra-branchés.

La preuve : ils n’hésitent pas à détourner les câbles sous-marins, initialement destinés à envoyer des signaux d’un bout du monde à l’autre. Pour eux, la fibre est surtout l’occasion de collecter un maximum de données. Sur la terre, la mer, entre vagues, séismes et cétacés… On vous explique tout.

La fibre optique, vous connaissez ?

C’est un filament de verre entouré de gels, de plastiques et d’une solide armature métallique qui court les profondeurs sans souffrir des fortes pressions ou de la corrosion. L’information transformée en lumière est piégée à l’intérieur et circule à 200 000 km/s. Le globe terrestre est recouvert d’1,2 millions kilomètres de ces câbles ! Suffisamment pour aller sur la Lune, revenir (un oubli ?), puis y retourner (pour un confinement optimal). Plus le verre est pur, plus l’information se propage efficacement. La lumière ne rencontre aucun obstacle et file sans s’arrêter dans le milieu rendu le plus homogène, le plus parfait possible par les sociétés de télécoms.

En réalité cependant, le verre n’est pas d’une pureté absolue. Les défauts de la fibre sont pour la lumière autant de petits miroirs partiels – des sortes de vitres : elle les traverse mais une image est renvoyée à la source. Le temps que met cet écho à revenir donne beaucoup d’informations aux sismologues. Ils peuvent y lire où et quand la fibre a été déformée, et surtout par quoi.

En effet, en mesurant le temps d’aller-retour de la lumière dans le câble, les chercheurs détectent le plus infime mouvement ayant eu lieu sur sa route, de l’ordre du nanomètre – mille fois inférieur à la taille d’un cheveu ! Tout ce qui déforme le milieu est ressenti par la fibre. Imaginez-vous faire des ricochets, et laisser trainer à la surface de l’eau un ressort. Chaque contact entre le galet et l’eau génère des ondes concentriques à la surface. Le passage de ces ondes va étirer ou raccourcir le ressort. Mesurez à quel moment cette variation en longueur se produit. Comparez ce temps à « l’état de référence » – quand rien ne déforme le ressort – et vous aurez un aperçu des ondes qui se baladent autour : d’une pierre deux coups !

La fibre posée au fond de l’eau enregistre tout ce qu’il se passe dans la mer et la terre, ce qui produit beaucoup de données. Un passage à la moulinette des algorithmes, et tout devient plus clair ! Les ordinateurs sont assez puissants pour arriver à relier les variations à leurs causes.
Et elles peuvent être nombreuses. À commencer par les séismes avec les ondes sismiques : le système pourrait même servir d’alerte s’il était développé à grande échelle. La fibre très sensible détecte le tremblement de terre aussitôt qu’il se produit, et donne des informations capitales : épicentre, sens de propagation, secousses à suivre ou tsunami à redouter.

La fibre peut aussi enregistrer la houle, le clapot des vagues, le passage des bateaux et des cétacés. Ce n’est alors plus la terre mais l’eau qui tremble, on appelle cela une onde acoustique. On ne l’entend pas forcément avec nos oreilles, mais ce « bruit sismique » est de grande valeur pour les chercheurs ! Les océanographes par exemple, qui voudraient savoir comment se comportent les mammifères marins, cachés dans les profondeurs inaccessibles.

Les sociétés de télécoms sont cependant peu enclines à faire profiter gratuitement la science de leurs installations sous-marines. L’enjeu financier pèse lourd, avec un marché chiffré à plusieurs milliards de dollars. Force négociations sont de mise. Patience. Surtout dans un monde sous Covid-19… Les français du laboratoire Géoazur devaient réaliser des mesures sur un câble en Grèce, l’enregistrement long de plusieurs mois aurait dû être lancé en mars 2020. Mais la pandémie les a pris de court. La manip est tombée à l’eau (LOL) ! Dommage, nous ne saurons pas tout de suite si les cétacés en profitent pour enchaîner fiesta sur fiesta de folie à Mykonos.

Par Victoria Milhomme, JS 27 (ESJ Lille)

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