Quand musique rime avec numérique

« Jusqu’au 19e siècle, on écoute avec l’œil »

3 questions à Vincent Tiffon, musicologue

Nord Êka ! : Quand apparaissent les premiers enregistrements sonores ?

Vincent Tiffon :

En 1877. La restitution sonore est alors de très mauvaise qualité. Il faut attendre que les techniques de captation du son s’améliorent pour que l’on enregistre de la musique, d’abord des chansons et des airs d’opérettes. Le vrai boom a lieu après la Seconde Guerre mondiale, avec l’arrivée du matériel électronique «haute fidélité» offrant une qualité de restitution satisfaisante.
Les disques 33 et 45 tours remplacent les 78 tours, les magnétophones à bande débarquent dans les studios d’enregistrement. Avec les premiers groupes de rock, le marché de la musique s’étend à l’international, c’est l’apparition des industries musicales.

Nord Êka ! : En quoi l’enregistrement sonore a-t-il bouleversé le monde de la musique ?

Vincent Tiffon :

Jusqu’au 19e siècle, la musique passe avant tout par la pratique. Le peuple joue ou chante dans les fêtes de village et, avec l’apparition de la musique écrite, les filles de bonne famille notamment apprennent à jouer du piano. Avec l’enregistrement sonore, on abandonne progressivement la pratique musicale au prot de l’écoute, phénomène qui s’amplifie à partir de 1945.

La manière d’écouter la musique change aussi. Jusqu’au 19e siècle, on écoute avec l’oeil : on regarde la partition, on voit les musiciens. Au 20e siècle, avec le phonographe et la radio, la musique devient invisible (ce que l’on appelle l’écoute “acousmatique”). Ce changement brutal, en moins d’un siècle, n’est pas du tout une évidence pour notre culture occidentale. Toutefois, il s’agit d’une parenthèse.
Le support visuel revient petit à petit, au travers des clips musicaux et des logiciels d’écoute permettant de visualiser la musique.

Le rôle du compositeur va aussi évoluer. Dans les années 1940, le compositeur français Pierre Schaeffer utilise des disques rayés pour travailler le son et créer de la musique. C’est le début de la musique dite “concrète” : on prend des sons fixés sur un enregistrement, on les mets en boucle, on les réverbère… Le compositeur maîtrise tout, il n’a plus besoin des interprètes. Cela conduira à la naissance de la musique électro-acoustique.

Nord Êka ! : L’informatique a-t-elle, elle aussi, un impact sur le monde de la musique ?

Vincent Tiffon :

Oui. Les études le montrent, la pratique musicale autodidacte revient. En dehors des écoles de musique traditionnelles, les jeunes générations se forment à la musique grâce aux logiciels de manipulation du son. Certains autodidactes atteignent une maîtrise et un savoir-faire de haut niveau. De plus, alors que les industries culturelles sont en déliquescence, les compositeurs s’auto-produisent sur Internet. Nous ne sommes qu’aux débuts de cette mutation numérique pour la musique.

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