Si les jeux vidéo sont considérés comme un passe-temps quasi-exclusivement masculin,
de plus en plus de femmes pratiquent pourtant ce divertissement au point même d’en faire leur métier. Nicole Pong cherche par exemple à améliorer les interactions entre l’homme et la machine.

Le monde du jeu vidéo n’est plus réservé aux hommes. De plus en plus de femmes y jouent et pratiquent tous types de jeux. Que ce soit les jeux de rôle en ligne massivement multi-joueurs (MMORPG) ou de tir à la première personne ou en vision subjective (FPS), les femmes représentent près de la moitié des « gamers » (ou joueurs).
Malgré cette féminisation de la discipline, il est plutôt rare de rencontrer des femmes qui travaillent en tant que « game designer » (concepteur de jeux). Nicole Pong, doctorante à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) de Lille en fait partie. Elle est souvent amenée a travailler sur l’ergonomie de ces programmes. Convaincue que les mécaniques du jeu ne servent pas qu’à divertir les gens, la jeune femme et son équipe de recherche, nommée Mjolnir, cherchent à améliorer les interactions homme-machine. Pour eux, ces mécaniques pourraient permettre aux utilisateurs de mieux comprendre et de mieux maîtriser leurs outils du quotidien.
Quand on lui demande depuis quand elle pratique cette activité, elle se souvient juste avoir commencé jeune. « Je ne battais jamais les garçons. Mais la qualité de joueur n’est pas le plus important dans ce métier. »
Lorsqu’elle est entrée à l’Ecole nationale du jeu et des médias interactifs numériques (ENJMIN), le directeur a déclaré à la jeune chercheuse « si tu ne joues qu’en MMORPG, tu n’es qu’une gameuse, pas une game designeuse ». Depuis ce jour-là la jeune femme pratique « des jeux auxquels les filles ne jouent pas, déclare-t-elle, ça a changé ma façon de voir les choses ». Et cette question de point de vue s’est confirmée quand elle est entrée à l’école. Seulement deux des 12 élèves de sa classe étaient des filles. « Nous avons été sélectionnées car nous regardons le jeu sous un autre angle. » Selon elle, « les hommes ne se concentrent que sur un type de jeu. Voilà pourquoi je me suis intéressée à tous types de jeux : pour élargir mon point de vue. »
Nicole Pong travaille en ce moment sur les messageries de smartphone. Elle s’interroge sur les « signifieurs » des interactions ou encore l’ergonomie des interfaces. Les « signifieurs » sont les « potentialités pour les utilisateurs d’appréhender l’usage d’un objet », explique la chercheuse. « En ce qui concerne l’utilisation de la messagerie d’un smartphone, certains boutons “se cachent” sous les interfaces. Par exemple, les utilisateurs de la messagerie de Apple (iOS) doivent glisser le doigt pour supprimer un mail, mais comment peut-on informer plus explicitement les utilisateurs ? » Afin de mieux comprendre les interactions homme-machine, la scientifique s’intéresse à l’interaction joueur-jeu. Elle observe les joueurs durant leur activité pour percevoir ce qui peut être amélioré.
La jeune chercheuse conseille aux filles de jouer à tous types de jeux. « Même à des jeux qui font peur. Personnellement, je joue à Resident Evil 7 en réalité virtuelle. A chaque fois, je suis obligée de prendre des coussins dans mes bras. » Même si elle a peur, Nicole Pong tient à élargir son domaine de compétences. Jouer à tous types de jeux, sans se limiter à ses préférences personnelles, lui permet d’explorer toutes les mécaniques, comme celles des jeux de société. En observant, par exemple, la manipulation de pièces dans certains jeux à plateau, la jeune femme trouve de nouvelles idées pour l’ergonomie. Et continue à élargir son horizon « ludo-ergonomique ».
Françoise de Vaugelas
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