Trois questions à…
Sylvie Aprile, enseignante chercheuse en histoire contemporaine à l’Université Lille 3 et co-directrice de la plateforme de recherche « Sciences et culture du visuel » à Tourcoing.
Anaïs Engler :
Qu’est-ce que l’histoire des femmes ?
Sylvie Aprile :
Tout d’abord, on ne dit pas « histoire des femmes » mais « histoire des femmes et du genre ». Au départ, dans les années 1970, les travaux étaient essentiellement féministes et militants. Le but de ces recherches consistait à comprendre la position des femmes au sein de leur société. « On ne naît pas femmes on le devient », cette citation de Simone de Beauvoir est toujours d’actualité et définit encore le but de nos études, comprendre la différenciation sociale entre hommes et femmes. Mais on ne peut pas étudier les femmes sans étudier les hommes aussi.
A.E. :
Quels sont les apports de l’histoire des femmes et du genre à la recherche historique ?
S.A. :
Nous avons redécouvert des sources qui semblaient jusqu’alors inutiles. Par exemple, les carnets de route des voyageuses de la fin du XIXe siècle sont riches de précisions sur la vie des autochtones, du quotidien et du visage des villes à l’époque. Alors que ces détails pragmatiques sont souvent passés sous silence par les voyageurs. Aujourd’hui, pour faire de l’Histoire, il faut intégrer ces sources « féminines » dans ses recherches. Et les étudiants sont familiers de cette approche scientifique.
A.E. :
L’essor de l’histoire des femmes améliore-t-il le quotidien des historiennes ?
S.A. :
Le plafond de verre existe toujours. Les hommes deviennent professeur des universités trois à quatre ans avant nous en moyenne. En tant que femme et mère de famille, je me suis interdite « d’utiliser » ma vie personnelle pour éviter mes obligations professionnelles. J’ai toujours refusé de rater une réunion pour aller chercher mes enfants. Pourtant. J’ai une anecdote à ce sujet, c’était peu après que je sois nommé maître de conférence. J’étais jeune et je venais d’être mère. Après un colloque, mes collègues et moi étions en train de déjeuner. On prenait des nouvelles les uns des autres. Entre eux ils se demandaient comment s’étaient passées leurs recherches aux archives, leur colloque de la semaine dernière… Et à moi, ils m’ont demandé comment allaient mes enfants !
Propos recueillis par Anaïs Engler
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