« Je déchiffre des codes-barres » : c’est par cette formule qu’Arnaud Cuisset aime résumer son métier. Ce physicien est spectroscopiste : il utilise la lumière pour percer les secrets de la matière. « C’est un outil formidable ! », s’enthousiasme-t-il. Il démasque les molécules.
Pourquoi ? Parce que la lumière interagit avec les obstacles sur sa route. Elle se compose d’une infinité de couleurs, comme l’a découvert au XVIIe siècle Isaac Newton. Or quand la lumière rencontre des molécules, ces dernières en absorbent une partie. Mais pas de n’importe quelle façon : d’une manière propre à chaque type de molécule. Par conséquent, en regardant quelles couleurs sont absorbées, il est possible de savoir quelles molécules sont présentes dans une substance, comme un gaz ou un liquide.
Couleurs visibles et invisibles
Pour les aider, les spectroscopistes ont à leur disposition des machines qui analysent la lumière émise ou absorbée par les molécules et la traduisent sous forme de « codes-barres » symbolisant la présence ou l’absence des couleurs. Ces « codes-barres », qu’on appelle plus scientifiquement des spectres lumineux, peuvent être très complexes. La tâche d’Arnaud est de les interpréter. En plus de la nature des molécules, ils livrent d’autres informations remarquables, comme la température et la pression qui s’exercent sur les molécules : la pression joue sur la largeur des pics du code-barres, la concentration en molécules et la température sur leur intensité.
Aujourd’hui, la lumière que les spectroscopistes emploient dépasse largement le spectre des couleurs visibles par l’oeil humain. L’ensemble du spectre électromagnétique est sollicité : la lumière visible, mais aussi au-delà, comme les infrarouges et les micro-ondes.
“En fonction de la lumière choisie, on obtient des informations différentes”, précise Arnaud Cuisset. “Les molécules sont des structures en mouvement. Les infrarouges permettent de repérer leurs vibrations tandis que les micro-ondes détectent leurs rotations. Dernièrement, on utilise aussi les ondes térahertz, très prometteuses. Elles sont capables de détecter aussi bien les petites molécules qui tournent que les grosses qui vibrent.”
Pollution atmosphérique
Dans les labos, les spectroscopistes répertorient patiemment les molécules une par une et leurs spectres lumineux dans les divers rayonnements. Ces informations permettent ensuite de faire l’opération inverse : identifier les molécules présentes dans un gaz ou un liquide.
Les domaines d’application sont très variés. En astronomie, la spectroscopie révèle la composition des gaz interstellaires où naissent les étoiles, ou encore celle des atmosphères autour des corps planétaires. Dans l’industrie, elle permet de savoir quels polluants une usine rejette dans l’atmosphère, afin de les réduire. Avec un niveau de précision époustouflant.
“Quand on s’intéresse aux émissions gazeuses dans l’atmosphère, on est capable d’identifier la source, de dire si tel polluant provient d’un pot d’échappement, d’une usine ou d’un feu de forêt.” Et cela grâce à la lumière.
Pour aller + loin : Son interview pour l’émission Plus de Sciences dédiée au lasers.
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