Une couleur peut en cacher une autre. Vue de la serviette de bain sur la plage, la mer arbore un bleu magnifique sous le soleil. Couleur enchanteresse due au reflet du ciel sur l’eau, pour l’essentiel.
Mais sous l’œil des satellites situés 800 kilomètres plus haut, les océans présentent des variations colorées beaucoup plus subtiles. Des bleus, des verts, des marrons…

Pourquoi autant de couleurs différentes ?
Parce que la lumière du soleil, quand elle pénètre dans l’eau, interagit avec son contenu. Notamment avec les algues microscopiques en suspension, lesquelles forment le phytoplancton. Ces microalgues contiennent un pigment, la chlorophylle, qui absorbe une partie du bleu et réémet du vert. Plus le phytoplancton est abondant, plus l’eau vire au vert. Étudier la couleur de l’eau permet ainsi de connaître la quantité de phytoplancton qu’elle abrite.
La mer Méditerranée arbore un beau bleu parce qu’elle contient peu de microalgues. La Manche tire sur le marron en raison du phytoplancton et des sédiments qui s’y déversent.
Changement climatique
“Le phytoplancton est un précieux indicateur de la qualité des eaux maritimes. Il est à la base de la chaîne alimentaire de l’écosystème marin : il nourrit le zooplancton qui va ensuite nourrir les poissons. Plus le phytoplancton est abondant, plus l’écosystème est favorable au développement et à la survie de la flore et de la faune marines. À l’exception près que certaines microalgues sont toxiques pour l’environnement, d’où l’importance de la surveillance”, explique le physicien Cédric Jamet.
Les microalgues ont une autre particularité : pour se développer, ces végétaux absorbent du dioxyde de carbone. Or ce gaz est impliqué dans le changement climatique : “étudier la quantité de phytoplancton permet d’évaluer aussi quelle quantité de CO2 est piégée dans les océans et de mieux comprendre le cycle du carbone.”
Les microalgues contiennent un pigment, la chlorophylle, qui absorbe une partie du bleu et réémet du vert.
Correction des mesures
Le recours aux satellites d’observation permet d’enregistrer les variations de phytoplancton sur plusieurs années. Il y a toutefois un inconvénient : entre le satellite et l’océan se trouve l’atmosphère de la Terre. Or les molécules d’air, de gaz, les aérosols qui la composent, interagissent eux aussi avec les rayons du soleil. À elle seule, la couche atmosphérique réfléchit au moins 80% de la lumière solaire, ce qui perturbe l’estimation de la couleur de l’océan.
Justement, Cédric développe des méthodes pour corriger les mesures des satellites. Par exemple, pour soustraire la contribution des aérosols présents dans l’air, il se sert des rayons proches de l’infrarouge, invisibles à l’œil, que le soleil émet.
“L’océan les absorbe complètement, ce qui n’est pas le cas des aérosols. En observant les infrarouges renvoyés, on connaît la nature des aérosols, leur quantité, et on peut déterminer leurs propriétés optiques dans le visible.”
La méthode fonctionne bien pour l’étude des eaux du large, d’autres solutions doivent être trouvées pour les eaux côtières. L’océan montre alors son vrai visage : des volutes de couleurs, encore plus belles que le bleu qu’on lui prête.
Des images en vraies et en fausses couleurs. Pour observer le phytoplancton, les photos satellite des eaux marines (image A) doivent être corrigées.
On enlève la lumière réfléchie par l’atmosphère, notamment par les aérosols (image B).
On obtient alors la lumière rétrodiffusée uniquement par l’eau (image C).
On peut alors détecter la concentration en chlorophylle (image D), le pigment qui colore les microalgues.
Commenter l’article