Décoder la couleur

« Dans les films comme Avatar, les couleurs sont des bonbons offerts au spectateur »

Interview  de Jessie Martin, auteur de l’ouvrage Le cinéma en couleurs

Nord Êka ! : Quand la couleur est-elle apparue au cinéma ?

Jessie Martin : Dès l’invention du cinéma, que l’on situe en 1895. Les films, d’une durée de 30 secondes à quelques minutes, sont alors projetés dans les foires, dont ils sont une attraction. Pour un effet plus spectaculaire, on peint les pellicules à la main, image par image, avec des pochoirs.

Toutefois, tous les films ne sont pas coloriés, ni toutes les images d’un film. Cela peut être un vêtement ou un objet pour le mettre en valeur, ou bien une scène entière, comme le tableau final des films de féerie. En 1908, les frères Pathé mécanisent l’étape du coloriage pour la rendre plus efficace et l’accélérer. D’autres
techniques apparaissent en parallèle. Le teintage et le virage permettent ainsi de colorer les pellicules en les trempant dans des bains chimiques. À cette époque, les films contiennent au plus 4 couleurs différentes. On a ensuite mis au point de nouvelles techniques pour répondre à l’envie des cinéastes de raconter des histoires avec des couleurs plus naturelles.

Nord Êka ! : Comment s’opère la transition entre les films en noir et blanc et les films en couleurs tels qu’on les connaît ?

JM : Lentement. En 1932, l’Américain Herbert Kalmus propose le premier procédé vraiment exploitable de cinéma en couleurs, le Technicolor. Néanmoins, les couleurs obtenues sont jugées trop vives par rapport aux couleurs naturelles. Le Technicolor sert au tournage des films d’aventures, fantastiques ou historiques, ce qui renforce leur côté imaginaire. En revanche, les films qui se veulent ancrés dans le réel, les films policiers par exemple, restent tournés en noir et blanc.

Il faut attendre que les techniques concurrentes, comme Eastmancolor de Eastman-Kodak, proposent des couleurs moins saturées, plus proches de la réalité, pour que la couleur se généralise.

Le virage s’effectue dans les années 60 : grâce aux reportages à la télévision et aux photos dans les magazines, le public s’habitue à voir des images en couleurs du réel, à les associer au monde réel, et plus à un monde fantastique.

Nord Êka ! : Dans les années 2000, le cinéma bascule de la pellicule argentique au numérique.
Qu’est-ce que cela a changé ?

JM : Pas vraiment la manière de filmer la couleur, mais l’étalonnage des films. Cette étape consiste à uniformiser les couleurs et la luminosité des scènes, parce qu’elles ont pu être tournées en plusieurs fois, à différents moments de la journée. En argentique, l’opération s’effectuait un peu à l’aveugle.

Avec l’étalonnage numérique, on peut intervenir pixel par pixel sur l’image, créer des effets spéciaux poussés. Dans les films comme Avatar ou Charlie et la chocolaterie, les couleurs, extraordinaires, sont créées par ordinateur. Elles sont comme des bonbons offerts au spectateur. D’une certaine manière, le cinéma redevient une attraction comme à ses premiers temps.

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