Ce sont trois lettres qui font couler beaucoup d’encre depuis quelques mois.
À la télévision, sur les réseaux sociaux, dans les journaux… vous avez sans doute entendu parler de la « PMA ». Non ? Alors peut-être connaissez-vous déjà la « FIV » ou l’insémination artificielle ? Toujours pas ? Pas de problème, nous allons tout vous expliquer.
Commençons par le début. La procréation médicalement assistée (PMA), aussi appelée aide médicale à la procréation (AMP), désigne un ensemble de techniques médicales qui peuvent aider des couples à concevoir un enfant.
Il peut s’agir de la fécondation in vitro (FIV). Les spermatozoïdes et les ovules sont prélevés puis mis en contact au sein d’un laboratoire pour faciliter la fécondation. L’embryon ainsi formé est ensuite transféré dans l’utérus de la femme. Lors de l’insémination artificielle, les spermatozoïdes sont directement déposés dans l’utérus de la femme. Ils peuvent venir du conjoint, ou bien d’un autre homme : c’est l’insémination artificielle avec donneur (IAD).
Vers une modification de la loi ?
À ce jour, en France, la PMA est uniquement autorisée pour les couples hétérosexuels. Ce principe est inscrit dans la loi de bioéthique, mais pourrait changer d’ici moins d’un an.
En septembre 2018, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a décidé de dire oui à la « PMA pour toutes ». Autrement dit, il soutient l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Elles pourraient avoir recours à une IAD pour concevoir un enfant, au même titre qu’un couple hétérosexuel. L’impossibilité de concevoir un enfant est « une souffrance », qui « doit être prise en compte » estime le conseil. Seulement, tous les Français ne sont pas du même avis.
La décision du CCNE a provoqué de vifs débats. Au-delà de la colère et des espoirs, la PMA pour toutes pose des questions éthiques. Certains parlent d’atteinte à la famille et aux droits des enfants. D’autres revendiquent les principes d’égalité et de liberté. Pourquoi ce sujet est-il autant débattu au sein des Français ? C’est ce que nous allons essayer de comprendre.
L’impatience des pro-PMA pour toutes
« Nous avons hâte que la loi change, témoigne Christine Decanter, responsable du service de PMA au centre hospitalier (CHRU) de Lille. Nous sommes fatigués d’envoyer nos patientes en Belgique ou en Espagne. » Contrairement à la France, ces deux pays européens autorisent la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires.
Claire* et sa compagne sont allées en Belgique pour concevoir leur enfant grâce à une IAD. La PMA pour toutes ? « Vivement ! » Claire témoigne : « Ce n’est pas évident, car tout est clandestin. On a l’impression d’être sans arrêt dans l’illégalité. » Elle espère que, demain, les femmes n’auront plus à aller à l’étranger. « Être tout le temps stressée, ce n’est pas bon pour la fertilité. »
Pour le Christine Decanter, « il n’y a aucune raison d’interdire la PMA pour toutes ». « C’est une question d’égalité, justifie l’Association des parents et futurs parents gay et lesbiens (APGL). Aujourd’hui, la PMA n’est accessible qu’aux couples hétérosexuels infertiles. Mais en tant que couple, deux femmes ne peuvent pas procréer. Elles sont donc aussi infertiles. » Le collectif féminin Les Antigones qualifie cet argument de « mensonge ». « La PMA devient une réponse à une situation sociale et non plus médicale. »
Une menace pour la famille ?
L’attente est forte du côté des pro-PMA pour toutes. En face, l’inquiétude l’est tout autant. Car qui dit PMA pour les couples de femmes et les femmes seules, dit conception d’un enfant via don de sperme, sans partenaire masculin.
Cela « pose la question de la paternité et de la maternité », s’inquiètent Les Antigones. Les opposants appellent souvent la « PMA pour toutes », la « PMA sans papa ». Un enfant a-t-il besoin d’un père ? La question est au cœur du débat. Pour Jacques Testart, biologiste et « père » scientifique du premier bébé issu d’une FIV, la réponse est toute trouvée. La PMA pour toutes créerait « délibérément » un « handicap » chez l’enfant, en le privant de père. Les Antigones renchérissent : « Nous naissons tous d’un homme et d’une femme. »
« Dire que c’est une atteinte à la famille est un mensonge », rétorque le docteur Decanter. Chaque jour, elle reçoit en consultation des couples hétérosexuels qui veulent bénéficier de la PMA. Et d’après son expérience personnelle, « l’hétérosexualité n’est pas la garantie de bons parents ». Une opinion partagée par l’APGL. « Les enfants nés de la PMA vont bien », certifie l’association. Dans tous les cas, le sujet ne sera pas tabou pour le fils de Claire. Avec sa compagne, elles comptent bien lui parler, « le plus tôt possible », du « généreux monsieur qui a donné sa graine ». « Peut-être qu’il nous en voudra, mais on prend le risque », conclut-elle.
Le 4 mars dernier, le gouvernement a une fois de plus allongé le délai qu’il s’était fixé pour faire entrer la PMA pour toutes dans la loi. De quoi prolonger le débat pendant encore de longs mois.
Coline BUANIC et Nordine EL BARTALI
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